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De la médecine à l'ENA, au service de la recherche académique : témoignage de Mme Fumi IRIE, Promotion Emile Zola, ENA 2009
L'INSP (l'ENA) compte 146 anciens élèves japonais depuis 1980, majoritairement diplomates, dont de nombreux Ambassadeurs. Le Japon est le second pays, après l'Allemagne, à envoyer des hauts fonctionnaires se former à l'INSP. Voici le témoignage d'une ancienne élève japonaise, Mme Fumi IRIE, Promotion Emile Zola, ENA 2009, illustrant la diversité des métiers exercés à l'issue de la formation à l'ENA / l'INSP.
Votre parcours :
"J’ai un cursus un peu atypique : j’ai d’abord étudié la médecine, six ans, à l’Université de Kyushu. Diplômée et major de promotion, en 2002, j’y ai acquis la conviction que le traitement médical comporte plusieurs éléments, notamment des aspects sociaux et économiques, et que l’approche médicale, purement théorique, n’est pas suffisante.
Fonctionnaire du gouvernement japonais, à partir de 2004, j’ai occupé des postes variés : Cheffe de l’évaluation des risques environnementaux, Coordonnatrice de la gestion des crises sanitaires à l’échelle internationale … J’ai alors pris conscience de mon manque de formation dans le domaine des relations internationales. Sans une coopération étroite avec la communauté internationale, aucun pays ne peut affronter seul les pandémies, le terrorisme ou le changement climatique. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi l’opportunité, offerte par le gouvernement japonais pour ses jeunes fonctionnaires, d’étudier à l’étranger.
J’ai ainsi intégré le Cycle international long (CIL) de l’ENA, entre 2007 et 2009. Je souhaitais une formation générale en administration, en France, pays qui m’attire depuis longtemps. En particulier, je voulais comprendre les clés de la détermination et de l’assurance que la France montrait sur la scène internationale, dont j’avais été témoin lors de plusieurs conférences internationales".
L’apport de l’ENA :
"J’y ai trouvé un parfait équilibre entre la formation théorique ; l’acquisition de méthodes de travail et leur mise en pratique par des stages.
L’un, à la Direction de la sécurité civile du ministère de l’Intérieur, et l’autre, à la Préfecture du département des Deux-Sèvres, m’ont permis de découvrir la France sous différents angles. Je garde un très bon souvenir de ma visite des unités militaires de la Sécurité civile et des discussions intéressantes sur le système d’alerte au Tsunami. Pour mon stage auprès du Préfet, j’ai travaillé sur la lutte contre la désertification médicale, un sujet d’actualité au Japon, et sur un projet de maisons de santé pluridisciplinaires. J’ai pu voir son achèvement à mon retour dans les Deux-Sèvres, en 2012, lors d’un voyage personnel à Niort. Ces deux épisodes ne sont qu’une partie de mes expériences inoubliables pendant ma scolarité à l’ENA.
En outre, les échanges avec les autres étudiants, issus de pays et de ministères différents ont été très enrichissants. A travers des travaux en groupe, un vrai sens d’équipe s’est tissé et des amitiés sincères se sont développées, que je préserve toujours.
A mon retour au Japon, avec le diplôme de l'ENA mention Summa Cum Laude, j’ai exercé plusieurs missions ministérielles importantes, de la sécurité alimentaire à l’évaluation de la qualité des soins, en passant par la gestion des pandémies. Les connaissances et le savoir-faire acquis à l’ENA se sont révélés extrêmement utiles. J’ai pu mettre en pratique :
-l’approche interministérielle, un prérequis pour les grands enjeux des politiques publiques,
- l’aptitude à gérer des projets, en négociant avec des parties prenantes variées et en adaptant la théorie face à la réalité du terrain,
-la formation en communication des institutions publiques, que j’ai reçue dans le cadre du double diplôme, en partenariat avec le CELSA Sorbonne Université, m’a beaucoup servi pour concevoir les plans de communication gouvernementale, lors des pandémies et du grave accident de la centrale nucléaire du Fukushima en 2011. Le sujet de mon mémoire portait justement sur une Comparaison entre la France et le Japon et leur communication en période de pandémie.
Défis actuels :
Depuis 2021, j’exerce à l’Université de Kyushu, où je m’occupe de l’enseignement et de la recherche en matière de santé. Le Japon est confronté à un défi sans précédent avec le vieillissement rapide de sa population. Cela demande :
-la réorganisation des structures d’offre des soins,
-la réforme de toutes les branches de la Sécurité sociale,
-la révision de la politique d’aménagement du territoire et,
- in fine, la refonte de la société dans son ensemble.
Mon Département de l’administration et de la gestion des soins médicaux est un laboratoire interdisciplinaire qui analyse les données démographiques, épidémiologiques ou économiques et nourrit les réflexions sur la politique de santé. Nous anticipons les effets de la médecine génomique ou de la médecine régénérative, l’utilisation de l’IA dans le domaine médical, entre autres.
Les principes fondamentaux du service public, enseignés à l’ENA, me servent beaucoup dans ces travaux. Le sens de l’intérêt général et les valeurs de responsabilité, de neutralité et de désintéressement restent un guide pour mes réflexions, au service du monde académique.
Retrouvez les 146 anciens élèves japonais, CIL et CIP, depuis 1980, et leurs fonctions professionnelles, dans l'annuaire ou la carte interactive, sur : https://reseau-alumni.insp.gouv.fr/annuaire/recherche
Retrouvez un autre portrait d'un ancien élève brésilien de l'ENA : "De la médecine hospitalière à la carrière diplomatique".